Bien vite comparé à Dominique A, mais proche aussi de Bashung dans la manière de balancer des phrases courtes qui suscitent des images fortes, le groupe Radio Elvis est en train de s’inscrire dans une lignée de rockers amoureux de la langue française, inspirés par la littérature.
Pierre Guénard, auteur chanteur, slameur par le passé, Colin Russeil, batteur et clavier, rencontré au lycée, et Manu Ralambo, guitariste embarqué plus tard, se sont soudés il y a trois ans autour de leur projet « Radio Elvis ».
Après deux EP, ils sortent leur premier album « les Conquêtes », réalisé par Antoine Gaillet (Arman Méliès, Julien Doré).
Une bonne centaine de concerts à leur actif, repérés par le FAIR et le Printemps de Bourges en 2015. Ils ont composé ensemble, arrangé sur scène, et peaufiné leurs chansons en studio, et ils voient avec émotion ce premier opus arriver dans les bacs.
Des sons de guitare puissants et variés qui sont venus à Manu naturellement au gré des mots écrits par Pierre. Une logique pour affirmer une envie frénétique de partir ailleurs. Des guitares pleines de force, de mélodies et d’aspérités.
Les tempos ne sont jamais les mêmes. Colin, à la batterie et aux claviers, propose une multitude de contraste comme les lumières changeantes de leurs pays imaginaires. Cet album tient en éveil. Nul repos possible au cours du voyage, mais l’envie perpétuelle de l’écouter sans arrêt. Toutes les chansons sont essentielles.
L’articulation du chanteur est parfaite. Pierre avoue aimer entendre précisément le texte d’une chanson, pour sa compréhension.
Les Conquêtes sont des aventures qui entrainent sur les chemins de l’errance, les sens en alerte, au gré du vent, du sable, du soleil…. Métaphores amoureuses, aventureuses, exploration de soi ou quête spirituelle, chacun y trouvera sa propre conquête.
L’amour en question ; « Pourquoi sommes nous là, nous n’arrivons à rien » (sur « Bleu nuit »)
La vie s’éloigne sur « la route », semée de rencontres et d’embûches.
« Les moissons » sont comme les premières récoltes de leur imagination qui s’emballe, une machine, qu’on ne peut freiner tel un cheval fou.
La vie s’égrène ainsi tout le long des « Conquêtes » Le chant est en avant, les guitares et la batterie sont en parfaites osmoses avec la voix. Pour s’entendre il faut s’écouter, et ces trois musiciens sont parfaitement soudés.
Pierre, s’exprime avec pudeur, préférant laisser la possibilité de plusieurs écoutes pour donner toute liberté de voyager en trouvant dans les chansons à chaque fois des émotions différentes.
Ainsi « Au large du Brésil, le continent », titre qui clôt l’album est il la terre promise ?
La fin de l’aventure ? ou bien juste la mort inévitable ?
Après Higelin, Bashung, Thiéfaine, Noir Désir, Dominique A, François and the Atlas Mountain, il existe dans le rock français aujourd’hui hui avec Radio Elvis le meilleur des guitares, de l’énergie, de la langue française et les rêves les plus audacieux pour lutter contre l’enfermement et la facilité.
Cousinage, influence, filiation ?
Peu importe…
Et si c’était seulement parce que la musique française a été de telle qualité depuis plusieurs décennies qu’elle donne aujourd’hui envie de la perpétuer, de la recréer et de la transmettre ?
(Isabelle Dhordain)
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