Tim Dup

© Hugo Pillard

© Hugo Pillard

 Biographie

23 ans… Et déjà cette maturité d’écriture qui solarise cette jeunesse incandescente. 23 ans… Et voici un répertoire qui s’écoute sous l’arc divin de l’oxymore : « Soleil noir » ; « Une envie méchante » ; « Un peu de mélancolie heureuse ». 23 ans… C’est ainsi qu’il se présente avec ses rêves et ses espoirs qui forment la jeunesse, ainsi que ses doutes qui poussent aux vertiges du grand huit.
23 ans… Et pourtant déjà auto proclamé ramasseur de souvenirs, ce qui signifie plus précisément expert en observation, disciple de l’infra ordinaire, qui selon Georges Perec consiste à questionner et scruter l’habituel.

Mais mis à part ses 23 ans, qui est donc Tim Dup, outre sa voix douce écorchée et son regard bleu délavé qui semble vouloir vous avaler ? Un jeune garçon originaire de la très grande banlieue, ville oubliée du futur grand Paris. Rambouillet : sa forêt, son château et surtout son TER centre. Tim Dup (Timothée Duperray pour l’état civil), y a puisé son inspiration. Il en a fait cette grandissime chanson qui met la barre très haut. « T.E.R centre » ou le spleen baudelairien appliqué à la vie moderne 2.0. C’est ainsi que Tim Dup auteur de sa génération exprime sa vérité. Perec, encore lui, écrivait : « Nous dormons notre vie d’un sommeil sans rêves. Mais où est-elle, notre vie ? Où est notre corps ? Où est notre espace ? ». Ce sont ces mêmes questions qui traversent l’œuvre en plein jaillissement de cet auteur compositeur interprète qui a encore du mal à se revendiquer chanteur :
« J’ai du mal à dire que je suis chanteur… Je suis musicien. Parce que j’aime la musique et parce que je fais de la musique dans sa palette la plus large. Pianiste, producteur, auteur compositeur interprète. Avec cette envie urgente de partager la langue des émotions. ». Tout a commencé en famille, avec des parents investis de cette même philosophie nietzschéenne. L’amour de la musique conduit le très jeune Timothée vers un piano. Ce sera son vaisseau de croissance. Il n’a que sept ans, la flemme au bout des doigts pour s’acharner sur l‘apprentissage du solfège, mais l’envie irrépressible déjà d’improviser. De suivre son instinct pour écrire son roman personnel. Avec l’amour comme bagage, il écrit sa première chanson en cinquième. Il la baptise « Elle » pour séduire celle dont il était éperdument amoureux. Et ça a marché : « Je me suis dit alors que cela me faisait du bien, c’est-à-dire que je sentais que j’avais réussi à exprimer quelque chose d’intérieur de façon authentique et brute. La chanson est une façon tellement forte de délivrer un message… ». Timothée n’oubliera donc pas la force émotionnelle des chansons au moment où il deviendra Tim Dup. Toucher le cœur des gens, ouvrir leur imaginaire pour être celui que l’on est, sans chercher à être quelqu’un d’autre. Tim Dup est lui-même, ne joue pas, et dit avec la candeur infernale de ses 23 ans : « Je m’apprends et m’apprivoise lentement ». Il parle du réel sans jamais faire de la chanson réaliste. Endotique sans jamais être l’apôtre d’une vaine banalité. C’est toute la force de ce premier album dont on pourra dire sans hésiter qu’il parle avec beaucoup d’à propos de cette génération intranquille qui se cherche une raison d’être. Quatorze chansons pour être à l’heure de cette jeunesse douloureuse qui nargue sa condition humaine en souriant à la vie.

Il suffit d’écouter « Paradoxe » où Tim Dup, en guise d’exercice autobiographique, joue la juste dérision : « Dans la description des contraires j’ai volontairement amplifié les contraires… ». Piano couleur Satie, rythmique martiale, chœurs élégiaques et phrasé singulièrement noué, les nerfs à vif. Tout Tim Dup est là en amorce comme dans « Mortelle Habanera » qui suit. Chanson encore inspirée par le croisement de deux histoires vécues. Un chagrin d’amour sévère qui vient se fracturer à la vision de deux amoureux qui s‘aiment trop. Le parallèle avec Don José prêt à tuer Carmen, à cause d’un amour déçu, ça fait mal et ça permet aussi de sortir cette colère intérieure qui parfois mange l’estomac. Syndrome parfait d’une vitalité juvénile avide de punchlines pour s’éviter la vraie violence : « C’est le refrain dont je suis le plus fier. Peu de mots, incisifs, ils expurgent le mal que l’on pourrait parfois être capable de faire… ». En d’autres temps, on aurait appelé ça une « prose combat ». Et c’est vrai, le hip hop a changé la vie de Tim Dup, comme pour beaucoup de jeunes gens modernes d’aujourd’hui. Celui déjà lointain de Solaar, mais plus encore celui de Oxmo Puccino, de Kanye West ou de Childish Gambino. C’est aussi celui-ci que l’on entend dans « Où tu vas ? » ou « Comme un écho ». Auto tune sans complexe pour réaliser que sa voix est réellement un instrument, Tim Dup aime suffisamment les mots pour en faire un jeu de style. Dans « Où tu vas ? », il bouleverse en prenant simplement deux mots qui l’ont touché : « J’ai trouvé l’association des mots « pluie et visage » si belle que j’ai voulu me laisser porter par leur rime. L’histoire est venue après même si ici on n’oublie le poids du sens… ». Illustration parfaite de l’attraction irrésistible pour sa langue qu’il rend souple et parfois métaphorique à souhait. « Comme un écho », dérive centrée sur l’envie d’ailleurs, de cerisiers en fleurs qui forme le voyage immobile idéal, jusqu’à un Japon imaginaire. C’est ainsi que l’on saisit parfaitement la psyché de Tim Dup. Un romantisme et un idéalisme qui vont de pair et qui dessinent le portrait d’un jeune homme libéré au contact de la mélancolie. Fauve de l’intérieur. C’est ici que l’on découvre les très grandes chansons de Tim Dup. Celles qui font œuvre de rupture dans l’histoire de la chanson actuelle et qui vont de fait créer un avant et un après : « L’envol » ; « Un peu de mélancolie heureuse » ; « Soleil noir » et celle déjà identifiée « Moira Gynt ». Cela s’appelle un carré d’as. On y croise des questions métaphysiques sur un au-delà possible, des incantations pour déjouer la gravité, c’est l’envol sur un rythme de tribu à la puissance chtonienne…
On s’immerge dans cet état second après l’amour sensationnel, comme dans ces après-midis pluvieuses, la mélancolie heureuse. On se perd dans l’ivresse, on se noie dans les vapeurs d’alcool d’une nuit trop blanche. Parce que toujours, il y a le fantôme éreintant de cette fille aux talons de glace qui se défile et pousse un cœur meurtri à se jeter dans la Seine. Ici la chanson classique voisine aimablement avec celle du futur. Kanye West partage le legs avec Barbara, Daft Punk tend la main à Damien Pavane qui co arrange les morceaux avec Tim Dup : « Ces chansons-là, m’ont amené à écouter et découvrir tellement d’autres musiques. Elles sont tellement liées à toutes les inspirations, elles ont été des clés pour ouvrir de nouvelles portes… ».
Ainsi parle Tim Dup qui confesse aimer traquer la profondeur dans tous les moments de vie. Cette exigence jusqu’auboutiste légitime encore ce paradoxe en mouvement. Pour grossir le trait on pourrait dire : musicalement de sa génération, textuellement plus proche de celle de ses ainés. Justement à propos de génération, voici venir le sujet sensible au travers de deux chansons qui tranchent l’apparente stabilité de l’univers du prince dont la pop est son royaume. « Bons vivants » et « Une envie méchante ».
C’est Tim Dup transcendé en porte-parole affûté, à la recherche des codes du tube, celui qui fédère dans les radios pour jeunes.
Exercice de style brillant qui dépassera un temps son auteur jusqu’au moment où il décide de casser lui même son jouet pour en faire un objet de rébellion aux contours no futur. Plaisir de la chute qui rend le succès encore plus imparable…

C’est encore Tim Dup qui nous prévient qu’il faut se méfier des visages trop lisses pour être honnêtes. « Une envie méchante » est une adresse indirecte à sa mère effrayée par l’effroi des dérives showbiztiques. C’est aussi une adresse à lui-même pour conjurer le mauvais sort en se projetant dans le destin tragique d’une mannequin Biélo Russe « Je me suis mis dans la peau de cette fille, prodige de beauté qui s’est suicidée en se jetant de son immeuble à New York. Elle avait 19 ans, elle avait tout et ne finira avec rien. Cette chanson est un exutoire. Sa colère me libère… ». 23 ans… L’âge des possibles où l’on peut chanter à gorge déployée « Vers les ourses polaires » et s’émouvoir à l’idée qu’entre l’enfant et l’adulte il y a cet instant précis. Celui où l’on a précisément 23 ans. Ce moment qui ressemble aux fins d’été. A cette « fin août », où l’on a peur de quitter la plage abandonnée, mais où l’on a hâte de vivre le vertige de la rentrée. Celui du recommencement. Du passage à l’âge adulte. Avec l’espoir que cette sensation rimbaldienne, chantée avec des semelles de vent, soulève Tim Dup, haut, très haut dans le ciel des étoiles qui gouvernent nos existences. Jusqu’à guérir cette jeunesse si douloureuse en manque de compréhension.


// En showcase sur le Rooftop du Festival le Samedi 16 juin à 22h30 ! //

Événement uniquement accessible grâce à l’accréditation illimitée en vente sur notre billetterie.

 

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